« EO » : voyage à dos d’âne, par Sarah Ethier et Alicia Salvucci

Source: IMDb

Dans le cadre d’une soirée spéciale sur le thème Oscars 2023 du ciné-club Le 3e ŒIL, nous avons visionné EO, un film de 2022 nommé parmi les meilleurs films étrangers aux Oscars cette année. Ce long-métrage polonais/italien de Jerzy Skolimowski traite de la cruauté animale en racontant l’histoire d’un âne à travers son chemin parsemé de rencontres surprenantes. L’âne, Eo, se fait déplacer un peu partout en Europe après la faillite de son cirque et croise par le fait même la route de divers animaux et humains qui affectent son parcours. Même si c’est le drame de guerre All quiet on the Western Front de Edward Berger qui a remporté la statuette le 12 mars dernier, EO mérite d’être regardé et discuté. D’ailleurs, il a reçu à ce jour un total de 15 nominations et a remporté 13 prix, dont le prestigieux Prix du jury au Festival de Cannes.

Le côté technique du film est réfléchi. En effet, certains plans sortent du lot. Par exemple, plusieurs plans sont dotés d’un effet d’hyper focalisation créant un flou artistique illustrant le point de vue d’Eo. C’est un choix fort pertinent du réalisateur afin d’inclure le spectateur et de le mettre dans la peau de l’âne, de manière à lui faire ressentir tous les sévices, autant physiques que psychologiques, que l’animal subit. Aussi, grâce à la force du montage et aux plans psychologiques sur l’âne, on saisit vraiment l’envie de ce dernier de s’évader, voire de fuir les hommes et leur violence. Lorsqu’on aperçoit par le regard d’Eo les majestueux chevaux qui courent joyeusement dans un espace ouvert, on comprend immédiatement toute sa souffrance. Un autre choix est l’image complètement rouge sur des plans ou des scènes précises. La couleur rouge est associée au danger, à la violence et parfois même à la mort. Dans la scène du début, l’âne semble faire le mort pour divertir le public du cirque : le lieu est alors plongé dans un éclairage rouge. Ensuite, l’animal se perd dans une forêt et se retrouve en danger : filtre rouge. Finalement, un robot à quatre pattes apparait à un certain point dans le film afin de symboliser le rôle servile de l’âne. Il se fait sans cesse bousculer dans une ambiance rouge : cette métaphore explique bien la violence subie par les animaux, qui sont ici comparés à des machines de travail.

Par rapport au contenu de l’œuvre, bien qu’il y ait très peu de dialogue, on comprend facilement ce qui se joue dans la tête du personnage principal, notamment grâce à ces innovations techniques mentionnées plus haut. Aussi, on se rend compte que les quelques humains qui accompagnent Eo dans son aventure ont tous un côté sauvage en eux. On reconnait diverses personnalités : une femme riche et instable (jouée par la comédienne Isabelle Huppert), un camionneur qui attire une femme avec de mauvaises intentions, cette même femme qui le suit pour manger, des joueurs de soccers qui prennent leur match beaucoup trop au sérieux, etc. Le but de ces personnages dans le scénario est de choquer le spectateur en apportant une réflexion sur la nature humaine par rapport à celle des animaux.

En résumé, nous avons apprécié l’aspect technique et l’originalité du sujet du long-métrage de 86 minutes. Malgré sa durée plutôt courte, le film présentait tout de même quelques longueurs. Ce problème de rythme est probablement dû au côté symbolique du film et à son absence de dialogue. Mais la réflexion qu’il entraîne ne peut que laisser le spectateur troublé, à savoir que dans ce portrait de notre monde et de notre rapport à la nature, la créature la plus humaine est probablement ce pauvre âne.

EO 7/10 – Drame de Jerzy Skolimowski, Pologne/Italie, 2022, 86 min.

Critique réalisée dans le cadre du Cinéclub du Collège de Maisonneuve
(15/03/2003)

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