Dans une ère où le numérique a pris une place d’immense envergure à une vitesse fulgurante, lire et écrire passent souvent très loin dans les choix de divertissement et l’échelle des priorités. Pourtant, je me souviens encore de mon enfance où je passais mon temps à réserver la limite maximale de livres à la bibliothèque et à créer des histoires à tout bout de champ, avec des personnages plus farfelus les uns que les autres. Je me sentais stimulé par le fait même de créer les images ou les voix dans ma tête, ou encore de partager mon imaginaire avec ceux qui voulaient bien m’entendre réciter mes écrits. Je me souviens aussi de l’époque où j’ai commencé à mettre de côté la lecture et à tranquillement abandonner mes récits, lisant et écrivant seulement lorsqu’on me le demandait à l’école. Il y a plusieurs raisons à cela, mais une des principales était que j’ai commencé à apprécier la rapidité à laquelle il était possible de raconter une histoire dans des films ou même sur YouTube. J’ai mis de côté le fait même d’écrire pour le plaisir d’écrire, de créer et d’imaginer, pour me tourner vers une option où tout m’était raconté sans efforts et à une vitesse toujours aussi satisfaisante.
En tant que personne du monde créatif et artistique, je trouve cela souvent dramatique et parfois même regrettable mais, en observant autour de moi, il est facile de remarquer que le désir même d’écrire ou de lire s’est éteint chez une multitude de personnes. Pourquoi écrire et développer des capacités argumentatives s’il est possible d’accéder à tous les arguments imaginables en une recherche de quelques minutes? Pourquoi écrire et développer son imagination s’il est possible d’accéder à toujours plus de films et de séries différentes, qui nous permettent de passer sans cesse d’un monde à l’autre et d’en parler avec son entourage qui en a bien sûr entendu parler? Pourquoi écrire et développer sa maîtrise du langage si personne n’a envie de conversations profondes ou de développer des sujets compliqués? Pourquoi écrire et essayer de déposer ses pensées hors de sa tête pour les comprendre si tout un chacun peut se faire mettre les mots dans la bouche dans toutes sortes de forums et de publications? Plus simplement, pourquoi écrire si personne n’est pas vraiment prêt à écouter (ou plutôt à lire) ce qu’on a à dire?
Ces questions se répondent au fond d’elles-mêmes, bien que notre société moderne veuille constamment éviter le sujet. La société nous conditionne à vouloir toujours plus à l’instant et à nous contenter de ce qui semble logique au premier abord, car le temps nous manque pour aller en profondeur dans la recherche de réponses. Pourtant, à long terme, toutes ces habiletés à développer en écriture permettent de mieux se comprendre, de mieux interagir avec le monde qui nous entoure, et d’avoir un monde intérieur solide sur lequel s’appuyer en cas de problème, pour se réconforter soi-même ou même y trouver des solutions à nos problèmes. Tout cela permettrait donc, à tous ceux qui ont oublié cette facilité de créer que les enfants possèdent, de vivre plus comblé et réellement satisfait tout au long de leur vie, car non seulement écrire peut aider leur relation avec eux-mêmes à être plus stable, mais écrire peut aussi permettre aux relations sociales d’être plus enrichissantes et profondes.
Plus encore, écrire et lire permettent dans notre société actuelle de relâcher la pression et de se remettre à un niveau de stimulation décent. Lorsqu’on exerce ces activités, la concentration qui doit être appliquée sur une longue durée ainsi que l’arrêt du perpétuel multitâche quotidien est fortement bénéfique. C’est un moment de calme dans notre journée, qui nous permet aussi d’être stimulé seulement par l’intérêt du monde que l’on découvre ou que l’on crée et non par un flux constant d’informations toutes plus différentes les unes que les autres, qui entrent dans notre cerveau toutes en même temps.
Donc finalement, écrire de nos jours est une source de développement créatif et intellectuel tout aussi importante qu’elle l’était avant, mais c’est aussi une source fondamentalement nécessaire au bien-être psychologique et social de tout un chacun. Puis peut-être que si toutes les informations qui circulent sur Internet prenaient le temps d’être développées à travers l’écriture, beaucoup moins de fausses informations seraient partagées et de faux bons débats soulevés, et beaucoup plus d’éducation serait développée et de problématiques concrètes réglées.
Le fol espoir 