« Es Brennt: It’s burning and consuming you all » par Kenza Bouhnass-Parra

Dans le cadre du ciné-club Le 3e Œil et de son partenariat avec le Goethe Institut, les étudiants.es ont été invités.es à assister à une représentation spéciale du film allemand Es Brennt à la Cinémathèque québécoise, en présence du réalisateur, Erol Afsin.

Le premier octobre dernier s’est déroulée une représentation de Es Brennt en partenariat avec le Goethe Institut à la Cinémathèque québécoise. Face à un public au sang glacé qui essayait de digérer ce premier long métrage d’Erol Asfin, l’acteur devenu réalisateur a participé à un Q&A à la suite de la projection. C’est un film à petit budget, à très petit budget même. Seulement 10 000 € et 13 jours, selon Asfin. C’est dans ces conditions qu’est né un projet qu’il se « devait de faire et de partager ». Et le pari est plus que réussi. 

Es Brennt est adapté d’un procès réel qui s’est déroulé en 2009 en Allemagne. Amal (Halima Ilter) et Omar (Kida Kohdr Ramadan), tous deux Arabes, sont nés et éduqués en Allemagne, tout comme leur fils Ahmad (Emir Kadir Taskin). La famille est confrontée à une attaque raciste lorsque Amal amène Ahmad au parc et un homme blanc (Nicolas Garon) refuse de laisser la balançoire au jeune garçon, avant de se lancer dans une tirade islamophobe, notamment portée sur le voile d’Amal. De cette altercation suivront des représailles juridiques qui auront des conséquences dévastatrices pour la famille.  

La force première du film est une tension qui est maintenue tout au long de ses 88 minutes, qui apparait avec la première altercation et vient se blottir dans nos poitrines. La cinématographie froide et austère, une esthétique assez commune pour le cinéma allemand, est ici utilisée comme miroitement des circonstances glaciales dans lesquelles se trouve la famille. Elle vient d’autant plus se confronter à la chaleur dégagée des dynamiques entre les membres de cette famille et de celle-ci avec le monde extérieur, comme leur épicier, leurs collègues de travail ou encore les témoins de l’altercation. 

C’est un scénario très précis où chaque mot est porteur de gravité et de conséquences. Les spectateurs prennent conscience de l’ampleur que chaque expression, chaque tournure de phrase, chaque terme peuvent prendre. Dans une société où la parole haineuse est souvent justifiée par la liberté d’expression, Es Brennt met l’accent sur l’insouciance des conséquences que cette parole peut avoir. Les spectateurs se retrouvent projetés dans ce cauchemar, souvent quotidien, pour les personnes portant des signes distinctifs d’appartenance culturelle ou religieuse, et ils n’en sortent pas indemnes.  

C’est un réel « passion project », comme l’a révélé Erol Asfin. On le ressent dans tous les éléments techniques et créatifs, allant des performances phénoménales à l’identité visuelle unique, en passant par la conception sonore frappante, ou encore le montage final qui frappe le spectateur de plein fouet. Un projet choc, un film poignant, qui ne se perd pas dans la transmission de son message et amène à une contemplation de notre société, mais aussi de notre part à tous dans son fonctionnement. 

Es Brennt – 4,5/5. Film dramatique d’Erol Asfin. Avec Halima Ilter, Kida Kohdr Ramadan, Emir Kadir Taskin, Nicolas Garon. Allemagne, 2023, 88 minutes.

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