« The Substance : Your 141 min insanity package » par Kenza Bouhnass-Parra 

Dans le cadre du ciné-club Le 3e Œil, les étudiants.es ont été invités.es à assister à l’avant-première du film The Substance de Coralie Fargeat au Cinéma du Parc le 15 septembre 2024.

C’est le grand retour en salles de Coralie Fargeat et ce dernier fait tourner les têtes! The Substance, qui a raflé le prix du meilleur scénario à Cannes, ainsi que le People’s Choice Award for Midnight Madness au Festival du Film de Toronto (TIFF), s’annonce comme l’un des événements cinématographiques les plus importants de l’année.  

Dans ce « body horror » futuriste, Elisabeth Sparkle (Demi Moore) est une célébrité qui passe le cap de la cinquantaine. Elle est ainsi jugée comme obsolète par l’industrie dans laquelle elle gravite. Refusant d’accepter le déclin de sa célébrité, elle se tourne vers une drogue mystérieuse issue du marché noir, la Substance, qui est supposée créer une version plus jeune, et donc meilleure, d’elle-même (Margaret Qualley).  

The Substance est un des films les plus audacieux que j’ai eu la chance de voir. Non seulement le film plonge-t-il directement dans le sujet de la représentation des femmes vieillissantes sans jamais détourner le regard des aspects honteux comme la jalousie et l’envie mais, en plus, Fargeat s’attaque aux conséquences du « male gaze » sur les protagonistes féminines au cinéma en jouant de manière ingénieuse avec la caméra, que ce soit par des cadrages ou des mouvements, afin de montrer comment la femme est facilement sexualisée à l’écran. Sans parler de la critique des tropes habituels qui servent à démoniser les protagonistes féminines. C’est extrêmement rafraichissant de voir comment la réalisatrice représente à la fois une femme vieillissante qui se bat de toutes ses forces pour rester pertinente dans un univers qui la rejette et une nouvelle venue absolument prête à tout pour obtenir ce qu’elle désire, c’est-à-dire une place dans ce monde superficiel. Le « body horror » représente un enjeu majeur de ce film et il est utilisé de manière brillante. Il devient le vecteur servant à illustrer les changements, souvent traumatiques, que subissent le corps de ces deux femmes. Les corps fracturés sont une métaphore de la société qui est elle-même fracturée, et ce parallèle est lourdement chargé de symbolisme afin d’illustrer le point de rupture, à savoir quand les femmes en ont assez de prétendre et qu’elles se révoltent contre ce système injuste. 

Le film oscille brillamment entre le désespoir et la comédie, mais sans jamais s’éloigner de son commentaire social virulent. Par contre, le scénario glisse vers la fin dans une esthétique qui ne semble reposer que sur la valeur choquante de l’image, ce qui m’a fait décrocher un peu. Le concept de la substance et de ses conséquences dévastatrices est poussé à son paroxysme, peut-être même trop. Même si on quitte la salle en ayant expérimenté une forte catharsis, la critique sociale aurait pu nous être proposée de manière plus subtile, plutôt qu’enfoncée de force dans nos gorges.  

Margaret Qualley est transcendante dans ce rôle. Nous sommes pendus à ses lèvres à chacune de ses lignes de dialogue et nous ne pouvons détourner le regard alors qu’elle nous charme avec ses yeux, ses sourires et ses mouvements. Dennis Quaid est parfait dans le rôle du patron misogyne qui agit à la fois comme relâchement comique dans le film. Mais c’est avant tout le spectacle de Demi Moore, qui vole complètement l’écran à ses collègues. L’actrice brille dans un rôle qui lui permet d’exploiter des facettes de son jeu qu’elle n’avait jamais pu montrer avant. Sa performance est pleine de folie et de brutalité, mais c’est sa vulnérabilité qui nous tient sur le bout de nos sièges jusqu’à la fin, le cœur dans la gorge. 

Avec des décors captivants, une cinématographie impressionnante rappelant parfois celle de Kubrick, et un montage coup de poing qui ne nous laisse pas le temps de reprendre notre souffle au fur et à mesure que nous avançons dans la trame narrative, le film fait preuve d’une personnalité cinématographique bien définie. Et pourtant, c’est la conception sonore qui marque le plus le spectateur. Le son représente à lui seul une raison pour se déplacer en salle. Il y a quelque chose de primitif dans cet univers sonore, et on grince des dents à plusieurs reprises. Les bruits de la substance liquide, les instruments futuristes, les gémissements de douleur et les cliquetis des talons deviennent un personnage en soi et transforment le film en une expérience sensorielle inoubliable.  

The Substance est encore en salle à cette date et désormais sur la plateforme de visionnement Mübi, distributeur officiel du film. Mais si vous en avez le courage, allez le voir en salle. Croyez-moi, il faut faire l’expérience de ce film assis au milieu d’une foule de spectateurs! 

The Substance. Film d’horreur de Coralie Fargeat. Avec Demi Moore, Margaret Qualley et Dennis Quaid. Coproduction France, Angleterre et États-Unis, 2024, 141 minutes.

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