Dans le cadre du cours Analyse filmique (première session), les étudiants.es ont eu la chance de participer à l’édition 2024 du FNC (Festival du Nouveau Cinéma) et de rédiger des critiques pour la revue Le fol espoir.

Il est tout simplement impossible, lorsqu’on lit le synopsis de Rumours pour la première fois, de ne pas être minimalement intrigué. Le concept des membres d’un G7 qui se perdent dans les bois lors d’un sommet nous semble incroyablement farfelu, surtout quand on voit des noms comme Cate Blanchett et Charles Dance y étant attachés. Au programme, un mélange astucieux de satire hilarante, de performances remarquables et d’éléments surréalistes inoubliables qui ne manqueront pas de surprendre le spectateur insouciant, même le cinéphile le plus averti.
On y suit donc les membres du G7 qui, durant la nuit d’un sommet qui a pour but de trouver une solution à une crise mondiale (qui restera d’ailleurs non spécifiée), se perdent dans la forêt allemande tout en essayant de rédiger un communiqué abordant la résolution de la crise.
Pour commencer, il va sans dire que le film est d’abord et avant tout une critique de l’incapacité et de l’inutilité des chefs d’État mondiaux. Dès les premières minutes, on est confronté à un groupe de personnages qui se comportent plus comme un groupe d’enfants qu’en adultes responsables du sort de millions de personnes. Entre toute la troupe qui se donne cette fausse impression de cordialité, une liaison amoureuse entre le Canada et le Royaume-Uni qui tourne mal et la France qui semble sans cesse vouloir « mansplainer » tout à tout le monde, on ne manque pas de blagues et d’attaques peu subtiles envers la classe dirigeante. Chaque chef d’État devient aussi la quasi-quintessence des stéréotypes de son pays, avec la première ministre allemande froide et directe, le Canadien émotif et qui veut prouver sa valeur et l’Italien qui veut toujours partager sa nourriture. On retrouve aussi des références directes aux différents chefs d’État, comme le président américain éternellement somnolant (Sleepy Joe, quelqu’un?) ou encore le Canadien qui parle souvent pour ne rien dire (nous rappelant un certain ancien professeur d’art dramatique). On les voit tous utiliser de grands mots qui finissent toujours par nous donner l’impression grandissante qu’ils n’ont aucune idée de ce dont ils parlent. De suggestions stupides aux conversations ne menant à rien, leur inutilité devient graduellement plus ridicule et apparente. Les faux actes héroïques se présentant à plusieurs reprises aident aussi à nous faire sentir que tout ce que ces gens font est uniquement pour le spectacle. Bref, ce n’est pas la critique des plus hauts paliers de gouvernements qui manque, surtout quand la grande majorité des blagues frappe en plein dans le mille.
Cela dit, il serait malhonnête de ne pas mentionner les parties plus surréalistes et bizarres du film, puisqu’elles sortent du lot de manière assez évidente, en devenant de loin l’aspect le moins agréable. En effet, bien que le fait que le président américain soit doté d’un accent anglais ou qu’un cerveau de la taille d’une Volkswagen arrive de nulle part pourrait sembler comme quelque chose pouvant élever le visionnement, on en ressort plutôt avec des interrogations un peu frustrantes. En réalité, il semble être le consensus général que ces nombreux éléments surréels sont à peu près incompréhensibles et qu’ils rajoutent des longueurs dans la partie centrale d’un film qui étire déjà sa durée. Roy Dupuis, l’acteur jouant le rôle du premier ministre canadien, avoue lui-même qu’en demandant 20 fois la signification de ces symboles à Guy Maddin, le réalisateur et scénariste, il aurait obtenu 20 réponses toutes différentes.
À ce sujet, si un aspect fait que ce film en vaut absolument la chandelle, ce sont bien les performances des acteurs. Il est littéralement impossible de trouver une seule mauvaise performance dans ce film. Charles Dance et Cate Blanchett se dépassent dans leurs rôles de Joe Biden et d’Anglela Merkel bon marché, Denis Ménochet nous fait rire aux éclats par sa performance physique étonnamment impressionnante et Rolando Ravello est tout simplement parfait. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer la dichotomie entre le talent immense des acteurs et l’incapacité totale des personnages qu’ils interprètent. En revanche, la pièce maîtresse du film reste sans aucun doute Roy Dupuis. Il prend le contrôle de chacune des scènes dans lesquelles il est présent et montre une variété impressionnante tout en se tenant adroitement en équilibre comme un funambule sur la ligne entre le ridicule et le faux sérieux, entrant exactement dans le ton du film, mais l’élevant aussi à un autre niveau (il rend la scène finale sérieusement magique).
Finalement, l’aspect visuel du film n’est pas non plus à ignorer on retrouve l’aspect presque onirique, un classique des films de Guy Maddin, tout en explorant une direction artistique plus que particulière. On parle ici de projections rappelant l’expressionnisme allemand et de machines à fumée rose, tout en passant par l’occasionnel château qui paraît de grande qualité, sans oublier des décors horribles rappelant les feuilletons de série B. Mais le plus impressionnant, c’est qu’aucun de ces aspects, pourtant si différents, ne semble hors propos. De plus, sur 23 jours de tournage, 20 ont été tournées de nuit, ce qui rend le magnifique travail de l’éclairage encore plus remarquable.
En conclusion, malgré des petites longueurs et des aspects surréalistes un peu frustrants, on ressort d’un visionnement de Rumours la tête légère d’un humour qui rit très intelligemment de gens très stupides.
Rumours. Comédie d’horreur de Guy Maddin. Avec Cate Blanchett, Roy Dupuis, Rolando Ravello, Alicia Vikander. Canada / Allemagne. 104 minutes. En location.