Dans le cadre du cours Analyse filmique (première session), les étudiants.es ont eu la chance de participer à l’édition 2024 du FNC (Festival du Nouveau Cinéma) et de rédiger des critiques pour la revue Le fol espoir.

Une histoire d’amour alors que la vie du protagoniste est en jeu, c’est l’intrigue du film co-réalisé et co-écrit par Philippe Lupien et Marie-Hélène Viens. J’ai vu ce long-métrage durant le Festival du Nouveau Cinéma qui s’est déroulé du 9 octobre au 20 octobre 2024. Ce film est le premier long-métrage des deux coréalisateurs et à leurs côtés, à la direction photo, Ariel Methot-Bellemare. Cette dernière arrive à nous faire voyager dans un autre monde alors que toute l’histoire se passe sur Terre ; la lumière et les plans sont d’une autre planète, même magiques. Léo, un livreur de pizza de 26 ans, est harcelé par John, un chauffeur de taxi qui fait disparaître des gens qui vivent dans la solitude. Un extraterrestre dont on ne sait presque rien, sauf son but qui est d’amener notre personnage principal dans son monde. La présence d’extraterrestres est secondaire à l’intrigue du récit : Léo et Rita qui tombent amoureux. Leur relation et le danger qui poursuit Léo co-existeront jusqu’à ce qu’un seul domine le futur de notre héros : sa copine ou sa solitude ?
Ce long-métrage est incroyable pour plusieurs raisons et je vais tenter de vous convaincre grâce à deux preuves. Tout d’abord, l’image et l’esthétique de ce récit sont concoctées séparément par Ariel Methot-Bellemare et Eric Barbeau. Lorsque la discussion de la direction artistique rentre en jeu, un film peut prendre plein de chemins différents. Pour ce film-ci, un détail magnifique est la palette de couleurs ; Rita est constamment baignée d’une lumière chaude, contrairement à Léo. Il est toujours dans des couleurs froides, une belle métaphore de son état d’esprit et de son côté renfermé. Les atmosphères froides et chaudes se contrastent tout au long de l’histoire pour exposer la dualité du choix de Léo, sa relation et son envie de disparaitre. La qualité des images est séduisante. Une ambiance envoutante, qui transporte le spectateur en le laissant charmé. Un excellent exemple, typique des longs-métrages de romances, est la scène du « slow dance ». Une scène où deux amoureux dansent ensemble sur une musique qui est importante pour notre personnage principal, il n’y a rien de plus cliché. Pourtant, l’image est la raison pour laquelle cette scène est aussi bien réussie. La qualité photo et le reflet des miroirs donnent un flou à la prise de vues, rappelant un rêve. C’est une scène où nos deux amants sont captivés par l’un et l’autre, ce n’est donc pas un hasard si ils sont dans des couleurs chaudes. Leur relation est bénéfique pour Léo et la beauté de cet instant montre tout ce qu’ils ressentent l’un pour l’autre. Un coup de maître de la part d’Eric Barbeau et d’Ariel Methot-Bellemare.
Par la suite, la musique est un aspect clé de cette histoire, sans elle, le spectateur ressentirait bien moins d’empathie envers Léo. La bande-son de Vous n’êtes pas seuls est efficace premièrement pour sa simplicité. Il n’y a que très peu de chansons avec des paroles dans ce récit et lorsqu’il y en a, la musique est judicieusement choisie en fonction de la scène. Le meilleur exemple qui me vient à l’esprit est lorsqu’ils dansent ensemble sur une chanson de Roch Voisine intitulée « Hélène ». C’est un moment décisif pour Rita et Léo, c’est la scène où leur relation devient plus sérieuse. Pour cette scène sentimentale, les paroles de cette chanson vont fort bien avec la relation grandissante des tourtereaux. Durant la majorité du film, Pilou, ou plutôt Pierre-Philippe Côté, a fait une bande-son basée sur les synthétiseurs et c’est ce qui donne ce côté magique au long-métrage. Avec cette base électronique, Côté a réussi à combiner les moments surnaturels et réconfortants sans que les deux ambiances créent une rupture. Cet instrument, avec les bonnes notes, donne une certaine tristesse, ce que ressent Léo pendant une bonne partie de ce long-métrage ; sa détresse, accompagnée par la menace de John voulant l’amener « là-haut ». Cette métaphore du suicide est importante, car elle nous permet de comprendre le message de l’histoire et la musique y joue un rôle crucial. L’intensité du synthétiseur nous fait comprendre qu’il y a une présence étrangère, ce qui rend le spectateur tendu. À l’opposition, les compositions plus tranquilles rendent leur relation simple et douce, on croit encore plus en leur amour. Deux ambiances qui se marient très bien ensemble et c’est un excellent travail de la part du compositeur de Vampire humaniste cherche suicidaire consentant.
En conclusion, je suis épatée par cet excellent film, par le jeu des acteurs, par l’image, par le son et même par la morale. Nos deux jeunes coréalisateurs ont effectué un travail phénoménal, accompagnés du compositeur, Pierre-Philippe Côté, du chef de la direction artistique, Eric Barbeau, de la directrice photo, Ariel Methot-Bellemare et de toute l’équipe de tournage. Cette histoire est poétique pour le message sur lequel elle se repose, celui de ne pas être seul. Dans les moments difficiles, il est mieux d’être entouré et de chercher la présence des autres, plutôt que de se renfermer sur soi-même. J’espère fortement que les thèmes comme le suicide ou la dépression seront davantage exploités dans le cinéma québécois dans des œuvres originales comme celle-ci ! Il y a quelque chose de thérapeutique dans ce très beau film.
8/10
Vous n’êtes pas seuls. Comédie et romance de Philippe Lupien et Marie-Hélène Viens. Avec Pier-Luc Funk, Marianne Fortier, François Papineau et bien d’autres. Canada. 2023. 105 minutes. En location.