
« Laisse-moi croire que c’est encore toi…»
Le soleil brille, aucun nuage ne lui bloque le chemin, tout le contraire de la température orageuse de la veille. Cette belle lumière naturelle est ce qui motive Taura à prendre une marche dans le boisé non loin de sa petite demeure.
En sortant de la maison, elle remarque et récupère une petite lettre qui lui est destinée. Curieuse, elle décide de la garder afin de la lire plus tard lors de sa promenade.
Ce boisé, Taura le considère comme sa petite forêt personnelle. Presque personne n’ose l’explorer à cause de sa profondeur et de ses chemins sans fin, cela les effraie trop. Tandis que les autres ne voient que la surface, l’écorce, Taura se permet de voir ce boisé dans son intégralité, jusqu’à la sève même.
Taura trouve un rocher sur lequel se reposer après une longue heure de marche. Les pieds légèrement endoloris, elle profite des environs en buvant l’eau cristalline de sa gourde. La douce mélodie des oiseaux et du vent lui coupe le souffle, comme si le dieu grec Apollon l’avait composée de ses propres mains afin qu’elle soit la plus parfaite des chansons.
Se rappelant de la lettre, Taura décide de l’ouvrir afin d’en découvrir le contenu. De l’enveloppe, une fleur du nom de trille rouge tombe avant de se poser sur les cuisses nues de la jeune femme. Dans les yeux verts éclatants de Taura, de délicates larmes se forment avant de succomber à la gravité et d’atterrir sur sa jupe ainsi que sur l’enveloppe.
La lettre, bien que relativement courte, comporte les mots suivants :
Ma douce Taura,
Bien que tu ignores mon identité, je tenais à souligner les sentiments que j’éprouve pour toi.
Ton caractère m’enflamme, tes yeux m’apportent une chaleur réconfortante, mais j’ai peur de m’approcher de toi. Pour le moment, je vais me contenter d’être ta planète Terre, tournant autour de toi, ni trop près ni trop loin, profitant de ta chaleur tout en évitant de me brûler.
Ne laisse pas mon cœur fondre par les flammes de la passion que j’éprouve pour toi sans raison.
– M
Lettre émouvante en main, larmes coulantes, Taura ne peut que penser à son premier amour de jeunesse. Bien que la jeunesse soit un concept relatif, elle a passé ses sept premières années d’expérience amoureuse avec le même homme, celui avec qui elle pensait qu’elle allait finir ses jours. Or, la vie ne se voulait pas si généreuse, alors la mort se fit un plaisir de saisir l’amant de Taura lors d’un accident de travail.
Non seulement le style d’écriture lui semblait étrangement familier, mais la fleur glissée dans la lettre, un trille rouge, était celle que son véritable amour préférait. Au fil du temps, cette dernière devint sa favorite également. À chaque occasion, son homme lui en donnait une : un rendez-vous, une soirée ou bien juste une rencontre anodine, il n’en manquait aucune.
Ses pleurs devenus plus forts, Taura lève la tête vers les cieux, parlant à son amour à voix haute bien qu’il ne soit pas là.
« Je sais très bien que tu es mort il y a de cela des années, mais j’aimerais bien croire que tu vis encore avec moi, encore parmi nous. Je sais bien que ce n’est qu’un souhait ridicule mais, si seulement ce dernier pouvait se réaliser ne serait-ce que l’espace d’un instant… » dit Taura, avant de prendre une pause et de regarder les environs.
Le trille rouge en main, elle le serre contre soncœur, une dernière larme tombe sur la fleur alors qu’elle prononce ces mots :
« Laisse-moi croire que c’est encore toi…»