Voilà une question qui peut susciter beaucoup de réflexions et probablement beaucoup de réponses abandonnées. Pouvons-nous même trouver une réponse claire à cette question? L’écriture est un cheminement complexe et personnel qui prend plusieurs formes. Une réponse simple serait probablement inappropriée pour cette question, le seul moyen d’arriver à un semblant de conclusion est d’approfondir la réflexion.
La littérature est-elle essentielle au développement de la société?
Si nous cherchons une réponse précise et sage, il faut probablement se pencher sur la littérature d’un point de vue plus érudit. Devons-nous simplement écrire pour permettre aux générations futures de prendre connaissance des découvertes et des réflexions d’aujourd’hui? D’un point de vue purement théorique, la langue, et donc l’écriture, sont les moyens les plus simples pour permettre à une société d’évoluer. Par la parole et par les mots passent les connaissances : une personne, en quelques histoires, peut permettre aux nouvelles générations de comprendre ce qui lui a pris une vie à comprendre. Les livres, aussi cliché que cela puisse paraître, sont la source même du savoir. Au cœur du savoir, les mots permettent aux futures générations de pousser plus loin les réflexions que nous avons entamées. L’écriture et la lecture sont au centre du système scolaire, au centre de l’enrichissement personnel. La lecture est une pratique qui semble se perdre depuis quelque temps et, pourtant, ne serait-ce pas la réponse à plusieurs de nos problèmes aujourd’hui? La violence ne pourrait-elle pas diminuer, les maux s’estomper ? Cette réflexion peut sembler très optimiste, et elle l’est, mais peut-être que le savoir et la sagesse que les livres et la littérature peuvent nous apporter permettraient à certains d’apaiser leurs peurs et de prendre conscience du monde qui les entoure, des épreuves par lesquelles plusieurs autres sont passés. Bref, comprendre qu’ils ne sont pas seuls, et que, par exemple, la violence n’a jamais mené à la paix, ni même au plein épanouissement d’une société.
D’un point de vue moins « scientifique », y a-t-il un sens à la littérature de « divertissement »?
Comme vu plus tôt, la littérature transporte le savoir, mais sommes-nous tous dans l’obligation de lire (et/ou écrire) dans le but de transmettre des savoirs ? Les textes écrits pendant cette session, pour l’équipe de revue littéraire dans laquelle je suis, n’avaient pas pour but initial de transmettre des connaissances ou même du savoir: ces textes ont-ils une valeur moindre pour autant ? La littérature, sous toutes ses formes, nous apprend. Bien que mon équipe et moi avons dédié beaucoup de temps à ces textes, je pense qu’aucun de nous ne s’est penché sur la valeur de ses textes. Les histoires inventées et les récits improbables portent en eux un bagage, un vécu. Inventer un personnage, lui créer une vie, un passé est le reflet de notre société. Consciemment, ou pas, nous créons des histoires qui portent des leçons, des morales, des valeurs qui nous ont été inculquées. Par les récits, nous essayons de faire comprendre au monde, par exemple, que l’entraide permet d’aller plus loin que l’égoïsme. Les histoires, souvent, nous parlent de personnages, de leurs vies, des malheurs qui leur sont arrivés, et nous souffrons avec eux. Nous développons notre empathie, nous prenons conscience du monde qui nous entoure, du fait que chaque être humain transporte avec lui une tonne d’histoires, un passé. Alors, bien que la littérature qui sort de « l’imaginaire » semble moins savante qu’une réflexion sur la vie, ce type de littérature permet de développer la conscience et l’empathie. Il nous permet de voir quelqu’un et de comprendre que les histoires que nous transportons avec nous ne sont pas toutes les mêmes, que certaines sont plus lourdes que d’autres. C’est ce que j’ai appris: que peu importe ce qu’on pense de quelqu’un, il faut toujours essayer de comprendre, de comprendre qu’il y a une raison pour laquelle ils sont comme ils sont aujourd’hui. Parfois, ils te feront l’honneur de te raconter un peu de leur histoire; je chéris ces moments, des moments où tu comprends un peu plus le monde qui t’entoure. Puis, même si, par un malheur quelconque, nous nous rendions compte que ce genre de littérature n’a aucun bénéfice, le simple fait de pouvoir nous divertir et prendre du temps pour soi serait assez pour me convaincre que la littérature consommée pour se divertir est aussi importante que la littérature plus « savante ».
La littérature est-elle essentielle dans une vie ?
Nous le savons bien, la majorité des gens qui passent par le réseau scolaire liront, pour la grande majorité, quelques romans et quelques livres pendant leur cursus. Cependant, après ces quelques livres, la littérature sortira très vite de leur vie. Il est clair que la littérature n’est pas nécessaire pour vivre, on peut très bien vivre sans avoir touché un livre de sa vie. Mais la littérature est peut-être le chemin vers une vie plus paisible. Il y a une angoisse liée au fait d’exister, de devoir tracer son propre chemin, d’être le seul responsable de son présent, passé et futur. Peut-être que la littérature est un des meilleurs moyens pour diminuer cette angoisse, l’estomper : se rendre compte que certains sont passés par le même chemin et se sont sentis crouler sous les mêmes épreuves, se rendre compte que cette angoisse par rapport au futur est universelle et que nous ne sommes pas seuls à ne pas savoir, ne pas savoir ce qui va arriver. Il serait faux de dire que toutes les œuvres de littérature ont pour but de nous apaiser, de nous faire voir la petitesse de notre existence. Certaines œuvres nous retournent et nous hantent, certains mots vont nous suivre jusqu’à notre mort. Mais ces mots ne nous permettent-ils pas de nous éveiller? De grandir et de comprendre? Parmi toutes les œuvres présentes sur terre, il y a forcément une œuvre qui contient la réponse que vous cherchiez depuis tant de temps. Peut-être que la littérature sert à boucher les trous ? Pour ceux qui veulent de l’amour, de la tristesse, de la joie ou même de la colère, peut-être que la littérature comble ce vide dans leur vie. Cela la rend-elle essentielle? Probablement pas, mais je pense que la littérature permet, pour certains, de s’élever un peu plus et de supporter un peu plus les manques.
Et, pour soi, pourquoi écrire ?
Je suis passée par beaucoup de réflexions ici, pour me rendre compte que je n’ai parlé que d’un point de vue extérieur. Du fait que nous devrions écrire pour aider les autres, mais pour soi alors ? L’écriture passe par les mains de millions de gens et crée des œuvres uniques. Que ce soit des lettres d’amour, des essais pour un cours d’Écrire et publier comme celui-ci, des textes pour une revue ou même des notes gribouillées sur le bord d’un cahier. L’écriture est un moyen d’expression, mais pas seulement: certains écrivent pour chercher l’empathie, d’autres pour susciter un questionnement, d’autres simplement pour créer quelque chose de beau. La réponse à cette question est relative à chacun. Certains écrivent sans jamais se faire lire, alors écrire est peut-être plus proche d’une démarche personnelle que d’une démarche esthétique pour certains. Cette question est la seule pour laquelle je peux fournir une réponse claire puisque je sais pourquoi j’écris. J’écris et je lis pour me souvenir. Je pense que l’écriture prend la forme de ce dont nous avons besoin ou de ce que nous voulons. Pourquoi écrire alors ? Peut-être pour se soulager ou pour ressentir des émotions que l’on enfouit au fond de nous-mêmes. On écrit pour soi ou pour les autres. Le seul point commun entre tous les écrivains est le fait d’écrire. Rien ne sera jamais plus personnel qu’écrire parce que même quand nous créons des histoires nous donnons une petite partie de nous-mêmes que nous mettons entre les mains du lecteur.
Aucune réponse claire ne pourra jamais satisfaire l’esprit de celui qui a posé cette question. La seule bonne réponse est celle à laquelle nous pensons. La littérature est un cheminement si personnel et, pour certains, intime, qu’il serait absurde de se fier à la réponse d’un autre. La seule réponse à cette question repose entre les mains de celui qui l’a posée. Il y a quand même quelques éléments communs qui ont pu être observés.
Alors, pourquoi écrire?
Pour permettre à notre société d’évoluer, de grandir et pour apprendre de nos erreurs. Pour permettre aux individus de notre société de s’éveiller un peu plus et, peut-être même, de bâtir le monde de demain sur les erreurs d’hier. À défaut d’avoir vécu, nous pouvons reprendre les erreurs passées et nous en servir pour améliorer qui nous sommes et notre société. Pour permettre aux lecteurs de se perdre dans un monde des possibles, pour leur permettre de se distraire pendant un instant, leur offrir une vie, une expérience qu’ils n’auraient jamais imaginé vivre. Pour combler les trous, leur permettre de ressentir quelque chose de nouveau et d’inexploré. Pour écrire, tout simplement.
Le fol espoir 