« Don’t Worry Darling » : un thriller saisissant, par Victoria César

Source: IMDb

Après avoir attiré l’attention de la presse au Festival du film de Venise, le thriller psychologique Don’t Worry Darling fait son entrée en salle en septembre 2022. Réalisé par Olivia Wilde, le film offre une charmante brochette d’acteurs dont l’incroyable Florence Pugh dans le rôle principal d’Alice, la vedette de la pop Harry Styles dans celui de Jack et le fameux Chris Pine interprétant Frank. Le film est un reflet de la société patriarcale où les rôles de genre sont fixes et les hommes ont le contrôle total sur le système. Malgré quelques incohérences à travers l’œuvre, le film est divertissant et la tension ressentie tout au long du film le rend captivant.

Dans les années 50, Alice et son mari Jack vivent une vie idyllique parmi les autres couples de la petite communauté de Victory, en Californie. Les hommes partent travailler chaque jour pour subvenir aux besoins de leur famille pendant que les femmes s’occupent des tâches domestiques à la maison. Après un incident concernant l’une de ses amies, Alice commence à douter du réel motif de leur présence dans ce paradis du désert. Frank, fondateur du projet Victory et adoré de tous, confronte Alice et la pousse à tester ses limites. Sous l’apparence parfaite de la ville se cache des secrets troublants qui chamboulent l’héroïne.

Don’t Worry Darling est le second long métrage d’Olivia Wilde, qui fait ses débuts en tant que réalisatrice avec la comédie moderne Booksmart en 2019. Alors que son premier film était drôle et plaisant, son dernier est tout le contraire. Stressant du début à la fin, il garde les spectateurs en haleine avec un suspense bien construit. On le ressent particulièrement dans les scènes impliquant Margaret, une femme de la communauté qui refuse de se soumettre aux règles, ainsi que lors des nombreuses visions d’Alice. On sait que celle-ci finira par dépasser les limites et que ses actions entraîneront de graves conséquences.

L’objectif d’Olivia Wilde en imaginant la ville de Victory était de créer un monde délectable, mais problématique. Bien que le film soit divertissant, il critique aussi les hommes qui imposent des rôles aux femmes selon divers stéréotypes pour mieux affirmer leur masculinité. Dans le film, les hommes leur donnent un faux sentiment de liberté : elles peuvent vivre « la vie de rêve » tant qu’elles ne posent pas de question et qu’elles se soumettent à une règle : ne pas sortir du périmètre de la ville. Les femmes doivent satisfaire tous les besoins de leurs maris afin que ces derniers soient plus performants au boulot, c’est leur unique raison d’être. L’œuvre met également en évidence le gaslighting subit par les femmes régulièrement. Elles sont manipulées jusqu’au point où elles se mettent à douter de leur propre santé mentale. Alice étouffe sous le système oppressant et se fait littéralement enfermer par les murs de sa maison.

Visuellement, les plans du film sont sublimes. Entre le thème coloré des années 50 et le désert pittoresque de la Californie, les décors semblent réellement sortis d’une utopie. Matthew Libatique, le directeur photo, effectue un travail merveilleux pour donner une esthétique plaisante. De plus, il se sert de gros plans et de plans rapprochés serrés pour isoler les personnages et exposer un point de vue plus subjectif. Cela permet aux spectateurs de centrer leur attention sur les émotions des personnages sans être distraits par les décors complexes derrière. Le directeur photo utilise également une lentille spécifique pour les scènes dans le désert afin de donner un effet de chaleur intense. Le résultat est fantastique.

Impossible de passer par-dessus la mise en scène riche en détails. Divers éléments contribuent à renforcer l’ambiance étrange du film. D’abord, le personnage de Frank est plutôt troublant : il est traité comme une sorte de dieu, sa présence se fait ressentir même lorsqu’il n’est pas là. Par exemple, on peut apercevoir son portrait dans le studio de danse, comme s’il veillait sur les danseuses. Les hommes le voient comme un modèle, une figure pratiquement intouchable, on pourrait même dire qu’ils le vénèrent. Ensuite, les costumes servent à représenter la vision idéale de la femme du point de vue des hommes. Même lorsqu’elle passe la journée à cuisiner et nettoyer la maison, Alice est toujours habillée chiquement, souvent vêtue d’une robe moulante et de talons.

Le point faible majeur de l’œuvre est malheureusement le scénario. Plusieurs éléments présentés dans la première partie sont au final inutiles au dénouement du film (tremblements de terre, avion qui s’écrase, fausse nourriture). Tout se mélange, il est parfois compliqué de comprendre ce qui est pertinent à l’intrigue. La dernière partie du film est la plus intéressante. La protagoniste découvre la vérité et tout le reste de l’histoire déboule. On comprend certains aspects du film, mais d’autres sont laissés sans explication et il est difficile de savoir si ce sont des erreurs scénaristiques ou si le but était seulement de faire douter les spectateurs de l’authenticité du monde présenté. Les thèmes et le message de l’œuvre sont peu originaux, mais le concept reste intéressant. Cependant, le scénario aurait pu être mieux construit pour pousser le message plus loin.

Florence Pugh et Chris Pine compensent pour la faiblesse du scénario avec un jeu exceptionnel. L’actrice principale ne cesse de nous épater avec ses performances à couper le souffle. Elle a un réel talent pour transmettre le malaise et l’angoisse, on le remarque notamment avec son rôle dans Midsommar. La scène la plus prenante de Don’t Worry Darling est celle du souper chez Jack et Alice, où sont lancées des accusations variées. La tension entre Alice et Frank est palpable et on ressent un grand malaise chez tous les invités. Chris Pine parvient à démontrer la personnalité menaçante de Frank avec un simple jeu de regard. De son côté, Harry Styles offre une performance un peu moins convaincante. Le manque d’expérience du chanteur est probablement à blâmer. En effet, n’ayant comme seule expérience Dunkirk de Christopher Nolan, où les dialogues sont peu présents, ainsi qu’une brève apparition dans la scène post-crédits du Marvel Eternals, Styles ne parvient pas totalement à communiquer de fortes émotions. Par exemple, dans la scène de la voiture, Jack semble éprouver une grande frustration, mais il est difficile de croire au jeu de l’acteur.

Bref, la fabuleuse mise en scène et l’immense talent de Florence Pugh font de Don’t Worry Darling un excellent film. Le long métrage est chargé en contenu et comporte de nombreux éléments à disséquer et à analyser pour les amateurs de cinéma. Le visionnement en salle rend l’expérience encore plus agréable. Prenant et mystérieux, l’œuvre a tout ce qu’il faut pour plaire à ceux qui cherchent un bon thriller ou qui souhaitent simplement être divertis.

Ne t’inquiète pas chérie (V.F. de Don’t Worry Darling) 7/10

Thriller d’Olivia Wilde. Avec Florence Pugh, Harry Styles, Chris Pine, Olivia Wilde. États-Unis, 2022, 123 minutes. En salle.

31/10/22 – Critique rédigée dans le cadre du cours Analyse filmique (ALC option cinéma)

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